Avons-nous besoin d’un leadership spirituel en entreprise ?
En prévision d’un rendez-vous avec une entreprise, j’ai reçu une invitation qui s’intitulait « échange sur le leadership spirituel ».
J’exprime depuis des années l’idée d’une spiritualité moderne en entreprise mais je dois avouer avoir été surpris par cette expression si audacieuse de « leadership spirituel » que j’emploie personnellement peu.
Bien sûr, évacuons tout de suite l’idée de managers « gourous » qui auraient pour rôle de distiller des croyances spirituelles à leurs collaborateurs. Il ne s’agit pas de cela ici.
La question serait plutôt de savoir si les leaders d’entreprise se doivent d’ajouter aujourd’hui une dimension spirituelle à leur rôle et à leurs responsabilités.
Il y a quelques années, la question aurait été incongrue.
Oui, mais nous sommes désormais face à l’urgence d’une transition radicale de notre modèle économique. Et ce modèle irrespectueux du vivant est si puissamment installé dans nos esprits et dans nos « lunettes mentales » qu’il va nous falloir puiser dans des ressources extraordinaires pour nous en affranchir.
Pour cela, nous allons avoir besoin de leaders sachant mettre au second plan leur désir de réussite personnelle, d’argent ou de reconnaissance pour se mettre cœur et âme au service de leur projet d’entreprise ; ceci implique un travail authentique sur l’ego, ce qui est éminemment spirituel.
Nous allons avoir besoin de leaders sachant faire évoluer la culture de leur entreprise non plus pour être les « meilleurs du monde » mais les meilleurs « pour le monde » ; ce qui implique de passer d’une vision autocentrée (l’entreprise seule et en concurrence avec tous) à une vision holistique et altruiste (tisser des liens avec les parties prenantes que sont les fournisseurs, les clients, les ONG et même les concurrents) ou – comme le dit Otto Scharmer – passer de « l’ego-system à l’éco-system ». Ce changement de nature des « connexions » avec son environnement est lui aussi d’ordre spirituel.
Pour éviter les tentations de « faire du neuf avec de l’ancien » (greenwashing, « croissante verte » trompeuse) qui ne remettent pas réellement en cause le modèle actuel, nous allons aussi avoir besoin de leaders qui incarnent véritablement le nouveau paradigme parce qu’ils le souhaitent au plus profond d’eux-mêmes. Des managers qui ont revisité leur lien à la Vie, aux ressources, au temps… pour renouer une alliance différente avec la Nature et les générations à venir.
En réalité, le leadership en entreprise revêt depuis toujours une dimension spirituelle qui a pu s’exprimer dans une vision ou la volonté de créer des collectifs humains harmonieux. Il semble cependant que l’époque exige encore davantage de nos leaders : devant l’ampleur des changements humains et organisationnels à mener, il leur faudra – osons le mot tellement l’avenir est complexe et imprévisible – mobiliser leur foi. Et tout ceci est hautement spirituel.
