VUCA : Volatility, Uncertainty, Complexity and Ambiguity.
Cet acronyme à la mode a le mérite de décrire les caractéristiques du monde en pleine mutation dans lequel les entreprises sont désormais immergées.
Un environnement hautement instable (tout peut changer très vite), complexe (excès d’informations, interdépendance des acteurs) et ambigu (les paradoxes sont nombreux et remettent en cause notre vision occidentale duale de la réalité) s’impose désormais comme un fait aux décideurs. Dans ce contexte, les outils traditionnels de pilotage – plan stratégique, business plan… – semblent subitement dégager un parfum suranné…
Diriger dans l’incertitude… face à ce défi, comment réagissent les décideurs jusqu’ici formés à piloter et maîtriser l’avenir ?
La tendance première consiste à mobiliser des habitudes de pensées et des réflexes qui ont fait leur preuves par le passé.
Parmi ces réflexes, le premier consiste à vouloir adapter l’entreprise à cette nouvelle réalité ; il est possible de chercher à rendre l’organisation encore plus efficace (optimiser les procédures, réduire les coûts) ou plus agile (simplifier la hiérarchie et les processus décisionnels, accélérer les changements).
On peut également tenter de compiler et d’analyser toutes les données disponibles (big data) pour anticiper l’avenir, faire appel à des cabinets de conseil pour se rassurer sur ses choix ou encore lancer des études pour essayer de décrypter les tendances à venir.
Tout ceci est certes utile. Mais le doute demeure : est-ce à la hauteur des enjeux ?
Ces changements d’organisation sont-ils suffisant pour (re)donner un cap à une entreprise ? Sont-ils suffisants pour remettre ce souffle et cette vision nécessaires pour ramener du sens aux collaborateurs et susciter leur engagement ?
En période de grande turbulence et de changement systémique, la véritable innovation ne consiste-t-elle pas à réfléchir à la nature même du leadership et au rôle du « leader » ?
Le leader à l’écoute de soi et du « futur émergent »
En septembre dernier, le MOOC d’Otto Scharmer, professeur au MIT à Harvard, a rassemblé 85 000 personnes en temps réel, une communauté d’acteurs du changement connectés du monde entier.
La « théorie U » proposée par Scharmer est révolutionnaire en matière d’innovation et de leadership : elle propose d’envisager le futur non plus en fonction de ce que nous savons – en « téléchargeant » nos connaissances ou en appliquant nos modes de pensées habituels – mais en nous mettant à l’écoute du « futur émergent ».
Pour ce faire, le processus passe par la recherche d’une présence intense à soi-même, aux autres et aux besoins du monde. Il invite à faire taire les différentes voix qui habituellement censurent nos inspirations, nos idées ou nos élans du cœur (respectivement les voix du jugement, du cynisme et de la peur) et à cultiver trois attitudes inverses : ouvrir l’esprit (open mind), ouvrir le cœur (open heart) et avoir le courage d’aller là où nous ne sommes jamais allés (open will).
A l’instar de l’artiste qui recherche les conditions pour trouver l’inspiration et la grâce, la théorie U invite donc à lâcher (pour un moment) nos anciens modes de pensées pour nous connecter à nous-même, à cet espace intérieur de calme à partir duquel peuvent émerger des idées radicalement innovantes. Mais ce processus ne peut opérer qu’à la condition d’accepter d’aller vers l’inconnu sans nos préjugés, nos peurs et nos croyances.
Nous voici de retour au cœur même de la définition du leadership.
En vieil anglais, le mot « leath », racine du mot leadership, évoque en effet le franchissement d’un seuil et la mort à des représentations dépassées, sur soi et sur le monde.
Et vous, que devez-vous « lâcher » pour accéder au leader que vous souhaitez être ?
Romain CRISTOFINI – Octobre 2016
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